PAS DE CONFINEMENT POUR L’ANTISÉMITISME. N’EST-CE PAS « M. DUTERTETET. »​ Par Souâd Belhaddad

« Pfff, on en parle tout le temps… » « Pfff, encore ces histoires d’antisémitisme… » Des allégations à l’encontre de l’ancienne ministre de la Santé, Agnès Buzyn, prouve tragiquement que l’antisémitisme perdure bel et bien. Avec une caractéristique des plus archaïques. Décryptage.

Pas surprise mais toujours aussi écœurée. Pour moi qui travaille, avec mon partenaire T. sur les représentations et la façon dont elles façonnent certains imaginaires, se perpétuent pour propager le même discours, en modifiant juste le contexte historique, le tweet du compte d’un certain Dutertetet est un éloquent matériau de travail. Deux seules indications dans la présentation de profil : la photographie de Jean Marie Le Pen regardant dans une sorte de télescope, aux côtés de sa fille Marine ; dessous, le terme « Indigène » – « blanc » aurait-il pu ajouter tant on sent une peur constante, selon le cours de son fil, de perdre son identité d’Européen blanc.

Le texte dit : « Pendant que Buzyn refusait de fermer les frontières, son mari Levy empêchait Didier Raoult de publier ses résultats tandis que Jerôme Salomon liquidait notre stock de masques. Mais bon officiellement l’empoisonnement des puits au moment de la peste relève du mythe. » L’expression de son antisémitisme est archaïque. Elle puise, en effet, dans les plus ancestrales accusations faites au Juifs depuis le Moyen-Age. Le Juif accusé de crimes rituels : empoisonneur de puits, meurtrier d’enfants. De tout temps, ces accusations émergent en cas de catastrophe ou, tiens, tiens, d’épidémie…

Il faut des boucs émissaires. Chacun.e le sien. Pour Zemmour, actuellement, ce sont « en particulier des Africains » qui refuseraient d’obtempérer aux forces de l’ordre, affirmant et « être protégés par Allah » et que le Corona virus serait « une maladie de Blancs. »

Il faut des thèses de complot. Celle de l’auteur du tweet antisémite sur Agnès Buzyn reprend les grands classiques : « Comme par hasard », tous ces acteur.trice.s agissent en même temps et sans concertation ? Ce « Comme par hasard au même moment où… », en sous-entendu néanmoins explicite, est un fondamental du propos complotiste. « Comme par hasard » Buzyn empêchait la fermeture des frontières « au même moment comme par hasard » son mari Levy (tous deux seul.e.s à ne pas être cité.e.s avec leur prénom dans ce tweet) aurait empêché Didier Raoult, médecin (doté de son prénom lui) voulait publier ses résultats et « comme par hasard, au même moment » Jerôme Salomon (directeur général de la Santé), liquidait notre stock de masques.

Conclusion ? Tous.tes pourri.es ? Oui, mais tous, toutes, c ‘est qui ? Les politiques (Agnès Buzyn, ancienne ministre et candidate à la Mairie de Paris) ? Les dirigeants (Yves Levy, ex-président directeur général de l’Inserm, Institut national de la santé et de la recherche Conseille d’État extraordinaire) ? Mais non, ce sont les noms de Buzyn et Levy qui importent plus que leur fonction – tous deux, je le répète, dépossédés de leur prénom parce que importe, dans cette démonstration, c’est leur origine juive.

Conclusion alors ? Elle est dans la citation finale sur « l’empoisonnement des puits au moment de la Peste » qui relèverait du mythe « officiellement. » Nous y sommes ! Il y a donc une histoire officielle, qui démentirait ce mythe; et une histoire, officieuse mais vraie, dont certains, comme ce M. Dutertetet, savent bien que les crimes des Juifs n’est pas un mythe, qu’ils les ont bien commis, en plus d’avoir tué le Christ. Et que, d’ailleurs, ça continue aujourd’hui… Ce couple de Juifs n’a-t-il pas contribué à empoisonner le pays ? Argument classique dans l’antisémitisme chrétien ancestral. Bien sûr, comme tout complotiste, M. D. serait éclairé, sachant tout décrypter tandis que les autres seraient aveuglés, eux. Ou soumis à…. Bon, bon, il n’en dirait pas plu, de crainte de se faire traiter d’antisémite puisque, on est dans un pays où on ne peut plus rien dire – comme nous déclarent sans cesse ceux et celles qui disent le pire.

Pas de confinement pour l’antisémitisme. Pas de confinement non plus pour notre vigilance. De chez nous, continuons de ne rien laisser passer de ces paroles, ces propos, ces haines « l’air-de-rien » pour que la tragédie que vit notre pays ne serve pas de prétexte à exacerber racismes, antisémitisme. De très sales virus eux aussi.